Atelier femmes en "chansons"

Sabah Bensaad, assistante de service social
C’est un concours de circonstances ou simplement l’aboutissement, les conséquences de différents constats qui fait de la Femme, de sa position, de la place qu’elle occupe, un sujet très actuel !
Il n’en reste pas moins qu’à ALT, au centre d’accueil et de soins, la Question de La Femme et du soutien que nous lui apportons, nous interroge.
En effet depuis plusieurs années nous travaillons autour d’activités destinées aux femmes rencontrées au centre d’accueil et de soins. Ces actions ciblées vers un public exclusivement féminin font suite au constat simple que malgré des situations de solitude importantes les femmes ont beaucoup de difficultés à fréquenter le lieu d’accueil informel et encore plus de s’y engager de manière régulière.
Il a fallu développer des ruses, des stratagèmes, être engagée, voir acharnée, pour mener avec détermination les activités proposées aux femmes accueillies au CAS ou rencontrées en consultation avancée.
Ce travail est ouvert aux personnes que nous rencontrons au centre d’accueil et de soins mais également à celles que nous rencontrons dans le cadre des consultations avancées.
Ainsi, depuis deux ans nous essayons de profiter des actions menées par la ville en période estivale ou lors des Nöelies pour permettre aux participantes de se réapproprier un espace qu’elles ne fréquentent que très peu, le centre-ville. S’approprier cet espace c’est reconnaitre que nous en faisons partie, que nous le faisons vivre aussi. Que nous faisons société, que nous faisons partie à part entière de cette société dont elles ont tendance à vouloir se protéger souvent à juste titre. C’est un des objectifs de ces moments partagés permettre que les craintes se lèvent, permettre la naissance d’une nouvelle confiance en soi, et envers les autres.
Se trouver au milieu des autres, ceux qui nous ressemblent ceux qui sont à cent lieues d’imaginer le parcours de leur voisin, c’est ce que nous vivons au quotidien et qu’elles ne s’autorisent pas.
Ainsi participer aux ateliers sport pour les femmes, organisés par la ville entre midi et deux, faire de la gymnastique, du yoga ou tout autre sport avec d’autres femmes qui viennent là le temps de leur pause déjeuner avant de retourner travailler. Partager avec elles la difficulté de faire un geste mais également les rires que provoquent ces difficultés. Prendre soin de soi de son corps avec les autres de la même manière que les autres.
Ces moments « entres femmes » ont ouverts beaucoup de temps d’échanges certes informels mais au combien essentiels pour la suite de leur chemin et du mien en tant que femme, en tant que professionnelle. Ils ont mis au jour des questions qu’elles se posaient mais ne pouvaient se permettre d’énoncer que dans le cadre de ce qui pourrait ressemble et qui l’est d’une certaine manière du « papotage de femmes ».
Sortir, rencontrer d’autres femmes, rire de soi, des autres, du travailleur social qui vous accompagne. S’émerveiller devant les illuminations où les trouver laides peu importe mais donner son avis à voix haute, se sentir écouter devoir argumenter. C’est sentir qu’on a le rose aux joues, le sang qui circule et qu’on est en vie ! C’est ce que semblent dirent certains visages lors de ces rencontres. On est entendu, écouté et ça n’est pas dangereux. On est vu et on n’est pas jugé. Il faut prendre soin de soi, de ce que l’on donne à voir et à entendre. Dans un climat de bienveillance et de « camaraderie » on peut prendre le risque de parler d’exister pour les autres.
C’est de cet atelier et de l’action menée auprès des jeunes filles au Foyer Le Relais ainsi qu’au Clair Foyer qu’est née l’idée d’un travail autour de textes écrits et chanté par des femmes et des jeunes filles.
Qu’ont-elles à nous dire ? qu’ont-elles à se dire ?
Nous avons choisi de travailler avec un artiste. Lionel Grob, qui n’avait jamais côtoyé ce public, les artistes sont d’ailleurs très éloignés des automatismes dont nous nous défendons mais que nous avons dans notre pratique de travailleurs sociaux. Sa sensibilité, sa bienveillance et son expérience notamment avec les enfants ont été essentielles dans notre travail.

L’engagement demandé au départ pouvait sembler long et laborieux, quand l’engagement sur du très court terme est déjà chose compliquée… rien n’était gagné et ceci malgré l’impatience « des dames » à commencer à travailler.

Comme souvent dans notre travail il a fallu inventer faire preuve de patience et de souplesse. Se faire confiance les uns les autres et avancer ensemble. Croire en notre projet devenu commun, y croire toujours parce que les fruits récoltés ont un gout merveilleux. Un gout inimitable, celui du bonheur simple. Des moments magiques, se rendre compte qu’une personne qui semblait endormie durant presque toute la durée de ces ateliers, insiste pour rester et participer à sa manière, alors pour vous la sentez partir dans les bras d’un dieu grec. Cette personne arrive un matin avec ses textes et vous propose un poème, quand l’aube se lève. L’aube se lève dans son regard, c’est magique vraiment magique. Elle ne se rendormira pas, elle sera volontaire, solidaire et engagée pour le reste de l’atelier. L’aube se lève et vous propose un regard plein d’étoiles, de malice, de sensibilité et de volonté, il leur en faut du courage, de l’énergie, de l’engagement, pour être là vaillantes coûte que coûte malgré tout.
Voir les participantes se sentir solidaire les unes des autres dans la recherche d’un mot pour manifester au mieux l’expression d’une pensée ou de maux dont elles ont besoin de se délester. Parler du plus difficile sans faire pleurer, sans larmoyer. Trouver le rythme musical pour qu’une chanson passe d’une grande tristesse à un moment non de pure gaité mais de légèreté et de grande tendresse.
Qu’avez- vous à nous dire ? Voilà, vous ne nous emmènerez pas ailleurs que là où nous sommes aujourd’hui : Voici nos paroles de femmes !
Le thème de notre rapport d’activité fait référence à la limite cette année. Dans notre travail la limite est constamment interrogée. Le cadre institutionnel lui est posé, nous nous y référons cela nous permet de savoir ce pourquoi nous sommes là, ce qui est attendu de nous. C’est ce qu’on nous apprend à l’école non ? Le cadre nous permet aussi de nous retrancher derrière lui quand nous nous sentons en difficulté, il nous permet de prendre de la distance de réfléchir à notre action, notre implication. Notre implication… c’est ici, pour ma part que je décide de placer la question de la limite. L’engagement particulier que nous mettons dans certaines de nos actions, permettre aux personnes que nous accompagnons de manière globale de se sentir faisant parti qu’elles le veuillent ou non, d’un ensemble qui fait société. Et avoir non pas chevillé au corps, le souci constant de ne pas oublier les femmes, elles ont tendance à se faire oublier, et à vouloir qu’on les oublie.
Les observer, les soutenir, les accompagner dans le cadre de ces ateliers met en jeu de manière quasi constante la question de la limite. Ma limite de professionnelle, de femme s’inquiétant de ces femmes en particulier. Si je pense au quotidien à cette limite je ne peux plus travailler avec engagement, je m’engage, j’y mets de ma personne. Certes je suis professionnelle à l’ALT mais un être humain pas un robot. Lorsque la question de la limite se pose, s’impose je me retourne, je regarde autour de moi, j’attrape un collègue, j’attends la réunion du jeudi ou je monte un étage et je vais dans le bureau au bout du couloir et alors je partage …